Références graphiques : l’illustration au service de l’imaginaire

BOÎTE 02

Boîtes à surprises ludiques et affectives - Bleu de Toi

Le dessin de Dominique Maes est fait de hachures et contre-hachures dans le livre-application « Bleu de Toi« .

Ses maîtres ? Deux artistes contemporains (XIXème siècle) : Gustave Doré et J.J. Grandville. Le premier, artiste protéiforme – à la fois illustrateur, peintre, sculpteur – ne connait pas de limite créatrice ; le second, caricaturiste, excelle dans l’illustration zoomorphique (métamorphose d’animaux ou d’êtres humains).

(1) Gustave Doré (1832-1883) – le plus illustre des illustrateurs

Gustave Doré est un artiste protéiforme et génial : il aime les grands formats, les hors-formats mais également les toiles plus intimistes. Prolifique, il explore toutes les techniques : illustration, peinture, aquarelle, eaux-fortes, gravure sur bois ainsi que la sculpture. Il illustre auteurs classiques (La Fontaine, Dante), contemporains (Balzac, Gautier, Poe…) et rencontre le succès dès son plus jeune âge.

A l’époque des deux artistes, les jeunes illustrateurs essaient de se faire un nom grâce au dessin de presse et à la caricature en rentrant par la petite porte. « Son projet d’artiste sera de gravir les échelons, de conquérir la reconnaissance aussi bien dans le domaine de l’illustration (…) que dans le domaine de la peinture, le ‘Grand Art’ qui se pratique au XIXème siècle dans un grand format », explique Philippe Kaenel, professeur titulaire d’histoire de l’art à l’Université de Lausanne.

>> L’intention narrative est toujours présente dans l’oeuvre de Gustave Doré :
le récit, l’action demandent d’aller au-delà de la simple contemplation.

En 1854, l’édition des Oeuvres de Rabelais lui amène la célébrité à 22 ans à peine. Plusieurs rééditions suivront rapidement. Pantagruel et Gargantua sont ainsi de ces oeuvres qui font partie de la mémoire collective à n’en pas douter.

Les éditeurs publient ses ouvrages en éditions de luxe et créent les premières collections uniformes de livres illustrés. Chaque livre est vendu entre 160 et 200 francs, une fortune à l’époque.  Au XIXème siècle, l’impression est mécanisée mais la gravure reste un procédé lent et coûteux. Un livre, pour être rentable, doit dès lors être conçu rapidement et tiré en grande quantité. C’est pourquoi, très vite, Doré imposera sa propre équipe d’artisans-graveurs chargés d’interpréter les tracés de ses dessins.

En 1862 paraissent les Contes de Perrault : Le Petit Chaperon Rouge, Barbe Bleue, Le Petit Poucet, Le Chat Botté. Exit le merveilleux, Doré dépeint une vision sombre, fantastique des textes de Perrault.

Il finance lui-même la conception de La Comédie Humaine – L’enfer, Le Purgatoire et Le Paradis – de Dante (1868), jugée trop risquée par les éditeurs sceptiques. Il entreprend également de mettre en images Le Paradis Perdu, poème épique de l’Anglais John Milton. Dans les deux cas, les scènes sont grandioses, dramatiques notamment grâce à un travail subtil sur l’obscurité et la lumière. A ce propos, on pourrait reprendre la formule de Voltaire : « Plus l’être humain sera éclairé*, plus il sera libre. » (* plus il aura accès à la connaissance)

En 1884 est publié Le Corbeau (Raven) d’Edgar Allan Poe qu’on peut comparer avec le corbeau plus japonisant, plus épuré de Manet à la même époque.

Il croque régulièrement le monde forain et ses saltimbanques auxquels ils semblent s’identifier de par son mode de vie (l’artiste aime faire la fête), les souffrances et vicissitudes de ce milieu ou encore le sentiment d’exclusion qu’il éprouve à l’égard du monde des Arts de l’époque.

Enfin, on comptera plus de 120 volumes, plus de dix mille pièces lorsque Doré meurt à 51 ans. Il est intéressant de noter que c’est un des premiers artistes à s’exporter à l’international : en Angleterre, en Hollande, en Allemagne, en Italie, en Espagne, au Portugal, en Pologne, aux Etats-Unis. Sa galerie londonnienne, la « Doré Gallery » fera d’ailleurs en partie sa fortune et sa notoriété.

(2) J.J. Grandville (1803-1847) – un dessin méticuleux et (sur)réaliste 

Jean Ignace Isidore Gérard, plus connu sous le pseudonyme de J.J. Grandville, est un caricaturiste français de renom. Le trait précis, abondant, J.J. Grandville apporte une certaine rigueur au dessin qu’il veut réaliste. Dumas dit de lui qu’il a développé une technique proche de celle de l’auteur, « passant de l’idée dans l’image à l’image de l’idée ». On peut évoquer là la notion d’illustration narrative.

> Comprendre les dessins de J.J. Grandville nécessite une connaissance fine du contexte historique
et politique dans lequel elles ont été effectuées. On peut cependant noter que certaines de ses caricatures et illustrations restent d’une modernité étonnante.

Dans Les Métamorphoses du Jour (1829), il aime à montrer l’irrationalité de l’être humain en parant les animaux d’habits humains, marchant sur leurs deux pieds (et non pattes), effectuant des tâches, jouant un rôle dans la Comédie Humaine. Le naturaliste minutieux compose alors des scènes zoomorphes surréalistes.

Chez Grandville, le fantastique le mêle à l’inquiétant. Baudelaire témoigne ainsi : « Il est des gens superficiels que Grandville divertit ; quant à moi, il m’effraie ».

Caricaturiste, ses planches satiriques s’attirent la foudre de la Monarchie de Juillet (période durant laquelle la Bourgeoisie française accapare le pouvoir). Une loi est promulguée en 1835 limitant la liberté de la presse. Une autorisation est désormais obligatoire préalablement à la publication de dessins et de caricatures. Il est littéralement harcelé par le régime en place et dédie le reste de sa carrière à l’illustration de livres et recueils de lithographies à l’instar de Scènes de la vie privée et publique des animaux (1840-42), Les Fleurs AniméesUn Autre Monde (1844), Les Cents Proverbes (1845), les Fables de La Fontaine (1855) ou encore l’Exposition de l’avenir.

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Références :

© CotCotCot Éditions – Des Carabistouilles Sprl